vendredi 3 novembre 2017

Imperium


















Imperium, de Christian Kracht. - Phébus, 2017

August Engelhardt (1875-1919) fut l'un de ces naturistes excentriques et peu frileux dont l'Allemagne du 19e finissant eut un temps le secret. En 1902, ayant réalisé son héritage, il achète une plantation dans les îles Bismarck afin d'y fonder une communauté d'adorateurs du soleil qui se nourriront exclusivement de noix de coco, décrétée aliment universel et parfait. Il eut quelques disciples, puis la malnutrition, la paranoïa et la guerre de 14 vinrent mettre un terme définitif à l'expérience. 
La réalité dépasse la fiction, dit-on. C'est entendu, mais la fiction la rattrape dans les côtes et si Christian Kracht s'empare de cette histoire vraie, c'est pour la rendre singulièrement plus passionnante que la notice Wikipedia du cocovore. D'une voix un brin narquoise qui ne cache pas son omniscience, il la remodèle à son gré, la transforme ici ou là, l'arrange ou la dérange pour en faire un roman complet, avec de vrais morceaux de personnages dedans. Despersonnages parmi lesquels on aura d'ailleurs la bonne surprise de retrouver le capitaine Slütter et la jeune Pandora, tout droit sortis de La Balade de la Mer Salée, de Hugo Pratt, le temps d'une respiration bienvenue dans le récit désolant de cette utopie mal barrée. Gratuite en apparence, la digression illustre en fait assez bien la méthode d'un auteur qui survole son histoire à la façon d'un drone : il butine, zigzague, s'attarde ou bien accélère de façon fulgurante pour suivre le temps d'un paragraphe le destin d'un personnage croisé par hasard. Un destin d'ailleurs souvent lié au futur IIIe Reich, comme si le délire collectif de tout un peuple pouvait bien n'être pas sans rapports avec les divagations hygiénistes de quelques blonds paléo-hippies. Comme si le ver, en somme, était déjà dans la noix.
Né en 1966, Christian Kracht est l'auteur d'une quinzaine de livres que l'on rattache, à tort ou à raison, au courant de la Popliteratur allemande. Deux d'entre eux ont été traduits précédemment en français. Horreur ! Ils ne sont plus disponibles !

[texte paru dans Le Matricule des anges]

Fin de party, de Christian Kracht. - Denoël, 2003

Un décorateur occidental, futile et décadent, se trouve pris par hasard dans la révolution iranienne de 1979. Croyant pouvoir s'échapper au Tibet, il échoue dans un bagne chinois. Un roman puissamment satirique, épuisé chez l'éditeur et qui fait l'objet d'une spéculation éhontée sur le marché de l'occasion.

Je serai alors au soleil et à l'ombre, de Christian Kracht. - J. Chambon, 2010.

L'aviation allemande bombarde le centre du pouvoir enfoui sous les Alpes de l'Union soviétique suisse. Le commissaire du peuple, un Africain, est chargé d'aller enquêter sur l'état du "réduit", creusé sous les Alpes, où réside l'état-major, car les Alpes sont devenues un immense réseau de cavernes réputées imprenables mais que les armées ennemies bombardent sans cesse... Lui aussi épuisé et revendu fort cher par des margoulins qui se font un bien mauvais karma.


La ballade de la mer salée, de Hugo Pratt. - Casterman, 1975

Chef d’œuvre absolu de la bande dessinée d'aventure, sous le signe de Conrad, de London ou de Stevenson, La Ballade... voit la première apparition du beau Corto Maltese (en fort mauvaise posture). On y trouve également, pour ce qui nous occupe, le capitaine Slütter et la jeune et jolie Pandora, dans des rôles qui, pour être différents de ceux que Ch. Kracht leur fait jouer, n'en révèlent pas moins leur pouvoir de fascination sur quiconque aura lu ce livre au cours de son adolescence romantique.

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