lundi 12 janvier 2015

Ghetto Brother




















Julian Voloj et Claudia Ahlering Ghetto brother : une légende du Bronx. - Steinkis, 2014.

C'est le Bronx, à ce qu'on dit... Mais en est-on bien sûr ? Benjy Melendez, en tout cas, sait de quoi il parle puisqu'il y est né, y a grandi  et fut le chef des Ghetto Brothers, l'un des principaux gangs qui y pullulaient à la fin des années 60. La vie était dangereuse, alors, dans l'un des quartiers les plus déshérités de New York, et mieux valait appartenir à l'une ou l'autre de ces bandes qui, pour ces jeunes immigrés portoricains de la seconde génération, faisaient souvent figure de famille élargie. Cofon Cats, Ghetto Brothers, Roman Kings, Savage Skulls, Black Spades... ils étaient nombreux à s'affronter pour le moindre prétexte sur un territoire très convoité. La baston était quotidienne et l'escalade inéluctable, jusqu'au premier mort. Pressé par ses troupes de se lancer dans une vendetta qui promet d'être sanglante, Benjy Melendez, sous l'influence du Black Panther Party, préfère jouer l'apaisement et convoque une assemblée historique des chefs de gangs qui les verra mettre fin à des rivalités absurdes et sceller une paix durable. Le phénomène des gangs prend alors une dimension sociale et culturelle qui, quelques années plus tard, donnera naissance à toute la culture hip-hop. Mais l'histoire ne s'arrête pas là pour Benjy : devenu père de famille, il prend brusquement conscience d'une judéidé qu'il avait toujours ignorée : ses parents sont de ces Marranes, ces juifs convertis de force au temps d'Isabelle la Catholique et qui perpétuèrent leurs rites en secret. Cette découverte bouleverse son quotidien, ruine son couple mais lui offre également de nouvelles perspectives et lui permet de retrouver une communauté quand l'univers des gangs en vient à sombrer.
Cette histoire, Julian Voloj l'a apprise de la bouche même de Benjamin Melendez au cours de fréquents entretiens et Claudia Ahlering l'a mise en images dans un style rugueux et gris comme le béton des trottoirs où la mauvaise graine, pourvu qu'on ne l'arrache pas trop vite, donne parfois naissance à de belles fleurs d'humanité.