Jardins des vagabondes / Vincent Gravé. – Cambourakis, 2014.
Depuis une trentaine d’années, le jardinier-paysagiste
Gilles Clément révolutionne sa discipline à travers les notions de jardin en
mouvement et de tiers-paysage, privilégiant une approche fondamentalement
écologique qui le mène à une réévaluation de la « friche » comme
réservoir primordial de biodiversité. Au carrefour de l’art, de la poésie, des
sciences naturelles et de la politique, il ouvrait ainsi la voie à de
nombreuses expériences transdisciplinaires, souvent financées par la commande
publique, où ses théories se trouvent mises en pratique in situ. Vincent Gravé,
dessinateur tout-terrain et jardinier amateur, a voulu en savoir plus.
Empoignant crayons et carnet de croquis, il s’en est allé à la rencontre de
quelques-uns de ces jardins, en compagnie chaque fois d’un médiateur pour le
moins inattendu : ainsi un trader de la Société Générale ( !) lui
fait-il les honneurs des jardins de La Défense, un alchimiste ( !!!) de celui du
parc André Citroën, un Chinois ( ?) des jardins du Musée des Arts Premiers
et un chef jardinier (ouf) de l’étonnante île Derborence, à Lille, à-pic de 7 m, inaccessible au public où,
depuis 1990, la végétation s’épanouit dans une indiscipline toujours scandaleuse
aux yeux de quelques adeptes du « béton vert ». Prétexte à une
réflexion plus globale sur la notion même de jardin, le parcours culmine par
une visite de la Vallée,
en Creuse, chez Gilles Clément, domaine matriciel et terrain d’expérimentation
amoureusement entretenu par le Maître en personne. Un « maître » au
discours d’une clarté lumineuse et d’une simplicité à toute épreuve, à l’image
d’un dessinateur attachant, qui se croque lui-même en modeste matou aux yeux
ronds, candide ébahi amoureux des potagers et d’une nature qui, rappelons-le, commence
tout de même à méchamment partir en sucette. Jardiniers visionnaires ou pas.