L’essentiel
des Gouines à suivre : 1987-1998 / Alison Bechdel. - Même pas
mal, 2016
Récemment
reconnue en France pour les très remarquables et remarqués Fun
home et C’est toi ma maman ? (parus tous deux chez
Denoël Graphic), Alison Bechdel est cependant loin d’être une
débutante aux Etats-Unis, son pays d’origine, où sa notoriété
s’était bâtie tout au long des années 90 sur la série Dykes
to watch out for, enfin
traduite par les éditions Même pas mal. Bande dessinée
communautaire, voire d’un communautarisme assumé, les « Gouines à
suivres » mettent en scène le quotidien d’un petit groupe de
lesbiennes dans ses composantes plus ou moins typées : il y a Mo, le
boulet, cœur
tendre sous des allures intransigeantes et
hyper-rationnelles, Loïs, la
papillonne, cynique et
généreuse, bien décidée à
jouir sans entraves, Clarice et Toni le « vieux » couple, qui finit
par opter pour la PMA, Ginger, la prof qui n’en finit plus de
bûcher sa thèse… et bien d’autres, dont
les avatars et les dialogues incessants finissent par former au fil
des pages la chronique attachante d’une Amérique minoritaire et
fin de siècle. On passe de Reagan à Bush père et de Bush père à
Bill Clinton presque sans s’en apercevoir dans ce petit théâtre
permanent où la prise de
tête fait figure d’art majeur : sur un fond d’actualité
toujours présent, Alison Bechdel moque avec tendresse et beaucoup de
finesse un petit milieu dont les préoccupations – entre saucisses
tofu-gingembre
et gender studies aux
titres improbables –
semblent parfois en léger décalage avec les grands enjeux de ce
monde et
où – tant pis pour les voyeurs – il n’est pas tant
question de sexe, au fond, que de vivre la vie qu’on s’est
choisie dans une Amérique encore très largement réactionnaire et
conservatrice. Si l’on rit
peut-être moins
que chez un Ralf König, satiriste plus mordant, on se surprend
cependant à regretter d’avoir
fini ce recueil pourtant
copieux et de devoir au moins provisoirement se
séparer d’une bande de
copines dont on rêverait de
faire partie. Moi, quand je serai grand, je serai goudou.