Stravaganza, la reine au casque de fer / Akihito Tomi. – Casterman,
2016. – 4 volumes parus.
Une cité qui vit à l’abri de ses murs pour se garantir des
appétits de mandrills anthropophages de dix mètres de haut, une jeune reine qui
ne peut paraître aux yeux du peuple que le visage dissimulé sous un heaume de
fer, des géants débonnaires en forme de culbuto et leurs épouses nettement plus
en forme(s)… Les mangakas, ça ose tout, d’ailleurs c’est à ça qu’on les
reconnaît. Rien ne leur fait peur : le sujet le plus improbable, le pitch
le plus extravagant ne saurait les intimider, au contraire. Du reste, c’est
bien d’extravagance dont il est précisément question dans ce seinen de fantasy, qui galope avec allégresse
sur les brisées de L’attaque des Titans,
sans éprouver pour autant le besoin de se mettre un balai dans le tugudu, à
l’instar des jeunes scouts tourmentés d’Hajime Isayama. Pour Akihito Tomi, la
libido prime à l’évidence sur le bushido et nul jeune mâle classiquement
constitué ne saurait le lui reprocher, tant cet aimable composé de violence et
de polissonnerie débridée semble brassé à la mesure de ses hormones : une dose
de membres arrachés pour deux de fessiers répandus par surprise conviennent
parfaitement au cochon qui, paraît-il, roupille en chacun de nous. Quant à l’intransigeante
féministe qui veille sur son sommeil, elle n’y trouvera toutefois pas matière à
doubler la dose de laudanum : tout cela reste au fond très candide et tout
plein d’une belle santé qui nous change de la profonde hypocrisie de bien des « maîtres »
occidentaux du zizi mis en cases. Cette sincérité sans faille, cette capacité d’adhésion
à ses propres histoires, cette innocence,
enfin, c’est d’ailleurs peut-être, en définitive, ce qui donne en général au
manga son indéniable pouvoir de séduction et, à Stravaganza en particulier, ce petit goût de revenez-y sans
complexes qui nous fera guetter les prochains tomes avec toute la juvénile
ardeur d’un amoureux définitif de la reine Viviane.