S'enfuir : récit d'un otage / Guy Delisle. - Dargaud, 2016.
Plus de 430 pages de bande dessinée en bichromie sans la
moindre scène de sexe, cela pourra paraître excessif à certains amateurs.
Christophe André, lui, ne s’en serait certainement pas plaint au long - très
long - des 111 jours que dura sa captivité. Enlevé en juillet 1997 lors d’une
mission humanitaire dans le Caucase, le jeune volontaire de MSF ne devra qu’à
un hasard incroyable de parvenir à échapper à ses ravisseurs tchétchènes, qui
ne verront jamais la jolie couleur verte du million de dollars qu’ils
espéraient en tirer. C’est le récit de cet enlèvement et de cette évasion qu’a
choisi de raconter Guy Delisle, délaissant pour cette fois la chronique
autobiographique (Chroniques de Jérusalem,
Pyongyang…) et l’autofiction
rigolarde (Le guide du mauvais père).
Plusieurs fois commencé, abandonné et repris sur une période de quinze ans, le
projet s’avère d’emblée un tour de force : comment rendre intéressante une
histoire dont la plus grande partie n’a pour décor qu’une pièce seulement
meublée d’un matelas, d’un radiateur et d’une ampoule ? Guy Delisle y
parvient de façon étonnante et, paradoxalement, fait de l’inaction forcée de
son personnage le ressort d’un récit tout en tension, où le moindre
micro-événement, la moindre variante dans un quotidien désespérant
d’incertitude et de monotonie se change en péripétie haletante. Au point que
l’évasion elle-même en devient (presque) d’une déconcertante facilité au regard
de l’impuissance de l’otage : on revient à la réalité avec la même
incrédulité que lui, la découvrant si proche après avoir paru si longtemps
inaccessible. Et l’on se dit qu’on est bien peu de choses et qu’il ne serait
peut-être pas inutile d’apprendre dès à présent la liste complète des maréchaux
d'Empire, au cas où…