mardi 26 septembre 2017

Les acouphènes


















Élodie Issartel Les acouphènes. - Le Nouvel Attila, 2017

Où sommes-nous ? Probablement dans les rêves d'avenir de quelque directeur de la DATAR : campagne en friche semée de pavillons désertés, hantée de sangliers et de sous-prolétaires qui les chassent, villes ultra-sécurisées multipliant barrières, sas, contrôles et laissez-passer... Entre les deux, le Centre, où a grandi Thomas, en compagnie d'une poignée d'autres "récalcitrants" de son espèce, rejetés dans les marges d'une société nettoyée de ses déviants. Et voilà qu'à 17 ans, il y retourne, avec son carnet de dessins et ses voix intérieures, traversé d'histoires qu'il a peut-être rêvées. Arpenteur décidé des territoires de la confusion, il est venu vérifier quelque chose, revoir ce Château, au coeur de son enfance réelle ou fantasmée. 
À l'instar de Thomas, il faudra pour bien lire ce roman accepter de se laisser fasciner par l'équivoque d'un récit qui ne finit pas toujours ses phrases. Les événement, les visages, les dialogues surgissent en une succession de rushes, d'instantanés à l'éclairage tantôt blafard, tantôt cru. Les temporalités se mêlent, on ne sait plus très bien où l'on en est, ce qui se passe et ce n'est pas bien grave : la littérature en a vu d'autres. Après Festino ! Festino ! (Léo Scheer, 2008), Elodie Issartel, photographe et plasticienne, livre ici une oeuvre ouverte et pleine de fulgurances, rétive aux idées de frontières et proches de certaines tendances de l'art le plus contemporain, comme en témoignent les photos de la jaquette et le cahier de dessins (dû au peintre Arthur Aillaud). À cet égard, on serait tenté de rapprocher sa démarche des films d'une Isild Le Besco (Charly, Bas-fonds...) ou des spectacles d'une Gisèle Vienne (Kindertotenlieder...), pour leur approche non-linéaire de l'adolescence comme puissance de subversion d'un ordre dont elle serait à la fois la victime et la mauvaise conscience. 
[texte paru dans Le Matricule des anges]

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