lundi 15 décembre 2014

Modesty Blaise



















 
Peter O'Donnell et al. Modesty Blaise. - Titan books, 2004-....

Depuis la disparition de la Triscotte, il n'est plus grande injustice en ce bas monde que l'indifférence opiniâtre dont fait montre le public français envers Modesty Blaise. Sur les 13 romans publiés, 9 seulement ont été traduits, dont plus un seul n'est disponible depuis des lustres. Les bandes dessinées ne sont pas mieux loties, qui ont vu la seule tentative d'édition  (chez Glénat, au début des années 80) s'achever chez le soldeur au bout de deux tomes. Au mieux se rappellera-t-on l'infâme kitscherie commise en 1966 par un Joseph Losey sous psychotropes, avec une Monica Vitti à contre-emploi dans le rôle-titre, trahison si éhontée de l'esprit de la série que l'auteur préféra racheter ses droits plutôt que de laisser ses personnages en de si mauvaises mains. Et pourtant, Modesty Blaise, plus de cinquante ans après sa création, reste l'un des personnages les plus admirables qu'ait jamais engendré le roman populaire. 
Née en 1963 dans le Evening Standard, de l'imagination de Peter O'Donnell pour le scénario et de Jim Holdaway pour le dessin, Modesty Blaise fut d'abord un personnage de comic-strip et le resta sans interruption jusqu'au 11 avril 2001, date à laquelle Peter O'Donnell, âgé de 81 ans, décida d'en rester là. Ni pin-up écervelée ni "James Bond au féminin" comme on peut encore le lire ici ou là, Modesty Blaise est d'abord et avant tout l'incarnation de la classe aventurière menée jusqu'à la perfection. Orpheline laissée à elle-même, poussée à la dure dans les déserts du Moyen Orient, elle est à peine sortie de l'adolescence qu'elle se retrouve à la tête d'un gang international de spécialistes du fric-frac de luxe. Fortune faite, elle prend une retraite très largement anticipée dont elle profiterait en paix si d'horribles malfrats ne venaient lui chercher noise avec une régularité d'horloge. Malheur à eux ! Car, en compagnie de son alter ego Willy Garvin, la belle représente certainement ce qui se fait de plus efficace au monde en matière de mise au pas des bandits, truands, apprentis dictateurs et monstres pervers de toute obédience. Tant pis pour eux, fallait pas l'embêter. Une telle constance dans le redressement de torts pourrait lasser : ce n'est pourtant jamais le cas et c'est avec un plaisir chaque fois renouvelé que l'on retrouve la fantaisie, l'humour et l'ingéniosité d'un scénariste qui ne s'est jamais fatigué de ses personnages, qui les aura aimés et respectés jusqu'au bout, jusqu'à les faire mourir au terme d'une très belle nouvelle, d'une mort digne d'eux et ouverte sur un espoir infini. 
Depuis 2004, les bien nommés Titan books ont entrepris d'éditer l'intégrale des bandes dessinées en une trentaine de volumes malheureusement réservés aux lecteurs anglophones. Si l'on peut préférer les romans, forcément plus fouillés que des strips quotidiens soumis à de plus fortes contraintes narratives, on ne s'en pâmera pas moins devant l'art d'un Jim Holdaway, dessinateur virtuose et grand capteur de trognes, trop tôt disparu et jamais tout à fait remplacé par Eric Badia Romero, son principal et néanmoins méritant successeur.

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