mercredi 11 février 2015

La Nueve




















Paco Roca La Nueve. - Delcourt, 2014.

Saviez-vous que les premiers "Français libres" à entrer dans Paris le 24 août 1944 étaient espagnols ? Anciens combattants de la République, passés en Afrique du Nord après la victoire de Franco, ces hommes connurent d'abord l'indignité des camps de travail de Vichy, avant que l'empire ne retombe aux mains des Alliés. Impatients de poursuivre leur guerre contre le fascisme, la plupart s’enrôlent alors dans la 2e Division Blindée que forme le général Leclerc sur la base de l'armée d'Afrique. Sous le commandement du capitaine Dronne et  presque entièrement composée de vétérans espagnols, la Nueve est à l'avant-garde de tous les combats, de la campagne de Tunisie à celle de France où, intégrée à l'armée américaine, elle sera la première à foncer sur Paris. Accueillis en héros par la population insurgée, ces durs-à-cuire connaîtront alors leur heure de gloire avant d'aller se faire décimer en Allemagne, jusqu'au pied du nid d'aigle du Führer. Paco Roca, lui, ne va pas jusque-là. C'est que pour raconter cette histoire, il s'est inspiré d'un personnage réel, Miguel Campos, anarchiste espagnol et lieutenant de la Nueve, qui disparaît peu après la Libération de Paris, sans qu'on ait jamais retrouvé son corps. La petite histoire rejoint alors la grande quand l'auteur se met lui-même en scène, au chevet d'un papy un rien récalcitrant mais ravi, au fond, de rouvrir un tiroir dont il avait préféré perdre la clé. On y croit presque jusqu'à la fin, d'autant que l'auteur multiplie les effets de réel, allant jusqu'à réaliser de vrais faux croquis "sur le vif". Ainsi, un peu à la façon d' Emmanuel Guibert (La guerre d'Alan) ou d' Angel de la Calle (Tina Modotti), Paco Roca (La tête en l'air, L'ange de la Retirada, L'hiver du dessinateur) parvient-il à raconter la guerre et le destin de ces hommes sans jamais rien céder au spectaculaire ni rien perdre en précision historique, prouvant s'il en était encore besoin la capacité - pour ne pas dire la vocation - de la bande dessinée à prendre en charge un contenu documentaire que l'on pourrait juger a priori ardu et à le restituer de façon vivante, émouvante, intelligente, passionnante.

Et pour ceux qui ne liraient pas que de la BD, voici de quoi prolonger un peu leur lecture...

Evelyn Mesquida La Nueve : 24 août 1944. - Le Cherche-midi, 2014.

Raymond Dronne Carnets de route d'un croisé de la France libre. - France-Empire, 1984

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