Chapungo / Sergio Toppi. – Mosquito, 2014
Du costard à la Vespa, du design industriel
à Gina Lollobrigida, l’élégance, c'est bien connu, est italienne. Cela fut tout
aussi vrai pour la bande dessinée, du moins jusqu’à ce qu’une bonne partie de
la culture péninsulaire finisse noyée dans l’eau de vaisselle de la
berlusconnerie télévisuelle. Durant les années 60 et 70, en tout cas, les fumetti surent tenir leur
rang sur une scène européenne d’une richesse elle-même exceptionnelle. Moins
connu qu’Hugo Pratt ou Guido Crepax, Sergio Toppi (1932-2012) fut l’un de ces
maîtres de la plume, aux côtés de quelques autres, aujourd’hui bien trop
négligés, comme Dino Battaglia, Attilio Micheluzzi ou Guido Buzzelli. Depuis
déjà près de vingt ans, Michel Jans et les éditions Mosquito s’acharnent à défendre
et faire revivre l’œuvre du maestro,
dont le caractère fragmentaire et sa dispersion dans de multiples revues ne lui
permirent jamais vraiment d’accéder à une reconnaissance à sa mesure. Il
n’est pourtant que de jeter un simple coup d’œil sur l’une ou l’autre de ces
pages somptueuses pour comprendre à qui l’on a affaire : Sergio Toppi compose
ses planches comme une véritable partition, où le blanc du papier tient un rôle
au moins aussi important qu’un noir décliné sous toutes ses formes, de l’aplat le
plus large aux hachures les plus enchevêtrées. Aux limites, parfois, de la
stylisation décorative, Toppi joue en virtuose des multiples potentialités de
l’encre et du trait, de frottis en griffures et d’entrelacs en saturations,
d’où le dessin émerge parfois comme en réserve, dans un équilibre constamment
maintenu d’ombre et de lumière. Si l’on est ici, en effet, assez loin de la ligne claire et du fameux
« gaufrier » franco-belge, on s’en éloigne encore au gré de scénarios
qui puisent à tous les registres de l’aventure et de l’exotisme selon Saint
Stevenson. Mais à la différence d’un Hugo Pratt, par exemple, Sergio Toppi se
veut plutôt nouvelliste que romancier : conteur émérite, il privilégie les
formes courtes, denses, délestées de toute digression. Ses histoires, qui
excèdent rarement la vingtaine de pages, revêtent le plus souvent la forme de
l’apologue, où le destin se charge avec ironie de calmer les ardeurs de
personnages égarés par leur bêtise ou la passion et où la notion même de héros –
si chère à la bédé traditionnelle, perd son sens aussi vite que ceux de Toppi
perdent la tête. Souhaitons garder la nôtre assez longtemps pour aller au
bout de ce très beau, très indispensable et malheureusement trop discret travail
de réédition.
Pour prolonger la lecture :
Toppi : une monographie. - Mosquito, 2007.
Une monographie très illustrée, articulée autour des entretiens accordés par le Maître à Michel Jans et Fabrizio Lo Bianco, dans lesquels il se révèle d'une assez belle modestie eu égard à la qualité de son œuvre. Suivis d'essais qui font parfois la part (trop ?) belle à la psychanalyse. Celle, notamment, du Collectionneur, unique personnage récurrent de Toppi.
Toppi : trait pour trait : croquis, esquisses & eaux-fortes. - Mosquito, 2015.
Un recueil qui, comme son titre l'indique, fait quant à lui la part belle au dessin dans ses premiers linéaments, où la main se donne libre cours et domine à l'évidence dans une production qui, pour être spontanée, n'oublie jamais d'être élégante. Un indispensable et très joli complément à la monographie précitée, malheureusement encombré de commentaires pour le moins inutiles et pesants.
Pour prolonger la lecture :
Toppi : une monographie. - Mosquito, 2007.
Une monographie très illustrée, articulée autour des entretiens accordés par le Maître à Michel Jans et Fabrizio Lo Bianco, dans lesquels il se révèle d'une assez belle modestie eu égard à la qualité de son œuvre. Suivis d'essais qui font parfois la part (trop ?) belle à la psychanalyse. Celle, notamment, du Collectionneur, unique personnage récurrent de Toppi.
Toppi : trait pour trait : croquis, esquisses & eaux-fortes. - Mosquito, 2015.
Un recueil qui, comme son titre l'indique, fait quant à lui la part belle au dessin dans ses premiers linéaments, où la main se donne libre cours et domine à l'évidence dans une production qui, pour être spontanée, n'oublie jamais d'être élégante. Un indispensable et très joli complément à la monographie précitée, malheureusement encombré de commentaires pour le moins inutiles et pesants.
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