La poursuite [contre-sens] / William Henne. – La 5e
couche, 2014
Un homme se voit délivrer une licence de suicide, à
consommer dans la semaine. Dilemme : il ne veut plus mourir. Un autre
homme, porteur d’une licence de meurtre, en décidera pour lui.
S’il y a bien évidemment quelque chose de Kafka dans l’absurdité
bureaucratique qui traverse cette histoire dominée par la présence écrasante du
Palais de justice de Bruxelles, c’est plutôt dans les nouvelles de Borges,
Cortazar ou Buzzati qu’il faut en chercher la véritable et labyrinthique
inspiration. A la faveur d’une narration inquiète et sans cesse reprise au gré
d’une temporalité éclatée (deux trames alternées qui finissent par se
rejoindre), William Henne boucle la boucle en forme de corde de pendu, de
manière aussi imparable que l’aurait fait l’un de ses maîtres en vertige, au
nombre desquels il faut bien sûr ajouter le grand Winsor McCay, pour une mise
en page ouvertement référentielle dans sa quasi-totalité. On en déduira
aisément que William Henne n’est pas la moitié d’un âne et qu’il a beaucoup lu,
mais pas seulement : on dira aussi qu’il est exemplaire de cette nouvelle
génération d’auteurs de bande dessinée qui, au sein de divers collectifs (Amok,
Fréon, La 5ème couche…), s’efforcent depuis une vingtaine d’années de
renouer avec une littérature exigeante, aux limites de l’expérimentation, sans toutefois
rien renier des spécificités de leur médium. Si, parfois, le résultat peut
sembler un rien abscons ou même assez vain, il n’en est heureusement rien ici,
où la recherche formelle ne perd jamais de vue la lisibilité du récit, pour
donner finalement lieu au même genre d’innocent plaisir contemplatif que connaît
tout amateur d’icosaèdres.
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