La maison circulaire
/ Rachel Deville. – Actes sud, 2015
Rachel
Deville, décidément, travaille la nuit : depuis L’heure du loup
(L’Apocalypse, 2012), elle semble s’être fait une spécialité de ce genre
relativement marginal qu’est le récit de rêve, dans lequel peu d’auteurs se
sont d’ailleurs finalement risqués depuis ces grands dormeurs que furent Julie
Doucet et David B. Avec les 14 récits de La
maison circulaire, elle se hisse désormais à la hauteur de ses aînés et,
forte d’une croissante assurance narrative et graphique, parvient à nous
retenir dans l’univers tout en hachures et grisaille habité par son double en chemise quand
bien d’autres s’y sont cassés les dents. Car, pour quiconque en a été victime
de la part d’un de ses collègues, le récit de rêve, quel qu’il soit, tourne
vite au cauchemar. Les images, les sentiments qui l’accompagnent sont à la fois
si vagues, si intimes et si changeants qu’ils semblent presque impossibles à
transmettre, le langage verbal s’avérant curieusement impuissant à rendre
compte avec simplicité de l’expérience onirique. Or, la bande dessinée, comme
dans bien d’autres cas (la pornographie, par exemple) se révèle un médium
éminemment propice à ce type de récits : en prenant directement en charge
un certain nombre d’éléments visuels qu’une longue et souvent vaine description
peine à évoquer, elle fournit au rêve un décor, une ambiance propre à en
soutenir le récit, à l’objectiver
enfin d’une façon bien plus efficace et immédiate que les mots. Encore faut-il
savoir s’y prendre : au-delà du seul contenu de ses rêves, Rachel Deville construit
de véritables scénarios, de parfaite petites machines narratives où l’entrelacs
mouvant des cases répond à l’objectivité délibérément froide du dessin pour
guider le lecteur à travers le labyrinthe de son sommeil paradoxal. Sans
interprétation ni explications, on pourrait juger l’exercice un peu vain, mais
pas plus, au fond, et même plutôt moins, que le dernier Astérix.
Pour aller plus loin :
David B Le cheval blême. - L'association, 1997
LE maître du genre et l'une des pierres fondatrices de la bande dessinée "indépendante" des années 90. Doué d'une activité onirique digne du plus surmené des clubbers, David B fut au récit de rêve en BD ce que Casimir fut au gloubi-boulga : un incontournable défricheur.
Julie Doucet Ciboire de Criss ! - L'association, 1996.
Si ces courts récits autobiographiques et transgressifs de la Québécoise (pour la plupart issus de son comix Dirty Plotte) ne sont pas tous des récits de rêve, la similarité des décors n'en rend ces derniers que plus troublants. En ce temps-là, les nuits de Julie Doucet n'avaient certes rien de bucoliques et si la dame a depuis quitté la BD pour l'art contemporain, on lui souhaite de n'en dormir que mieux.
Pour aller plus loin :
David B Le cheval blême. - L'association, 1997
LE maître du genre et l'une des pierres fondatrices de la bande dessinée "indépendante" des années 90. Doué d'une activité onirique digne du plus surmené des clubbers, David B fut au récit de rêve en BD ce que Casimir fut au gloubi-boulga : un incontournable défricheur.
Julie Doucet Ciboire de Criss ! - L'association, 1996.
Si ces courts récits autobiographiques et transgressifs de la Québécoise (pour la plupart issus de son comix Dirty Plotte) ne sont pas tous des récits de rêve, la similarité des décors n'en rend ces derniers que plus troublants. En ce temps-là, les nuits de Julie Doucet n'avaient certes rien de bucoliques et si la dame a depuis quitté la BD pour l'art contemporain, on lui souhaite de n'en dormir que mieux.
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