jeudi 8 décembre 2016

La grande guerre
















La Grande guerre : le premier jour de la bataille de la Somme / Joe Sacco. - Futuropolis : Arte éditions, 2013


Moins souvent évoquée de ce côté-ci de la Manche que la bataille de Verdun ou celle de la Marne, l’offensive de la Somme reste pour les Anglais la mère de toutes les batailles de la Grande guerre : la plus démesurée, la plus intensément préparée et, surtout, la plus meurtrière, puisqu’on estime qu’environ 20 000 soldats britanniques laissèrent leur vie en ce seul 1er juillet 1916. Il s’agissait, selon la doctrine chère au général Haig, commandant en chef du front de la Somme, d’opérer en une seule fois une poussée définitive, un Big push qui, réduisant à néant les lignes allemandes, ouvrirait définitivement les portes de la Victoire aux troupes de Sa Très Gracieuse Majesté. L’Etat major avait bien fait les choses : une semaine de barrage d’artillerie non-stop, un déluge de tonnerre et de feu s’abattit pendant sept jours sur les tranchées allemandes et résonna jusqu’au cœur de Londres. Au signal, les fantassins retranchés dans leurs kilomètres de boyaux n’auraient plus qu’à traverser le no man’s land comme à la promenade et s’en aller tranquillement s’occuper des quelques Prussiens survivants. Bel optimisme militaire, vite rattrapé par les balles allemandes. Car l’ennemi, retranché dans des abris souterrains solidement fortifiés, attendait tranquillement la fin des tirs pour jaillir à l’air libre et mettre en service ses propres batteries. Ce fut une hécatombe.
Connu pour ses travaux journalistiques sur la Bande de Gaza ou l’ex-Yougoslavie en guerre, le dessinateur Joe Sacco a choisi d’évoquer cette horreur sous la forme d’une immense frise muette de 7,5 mètres décrivant par le menu la catastrophe, depuis la promenade matinale du brave général Haig jusqu’à l’enfouissement hâtif des dernières victimes. Dans un style extrêmement fouillé et d’une précision hallucinante, il met en scène un véritable fourmillement humain, composé de centaines et de centaines de figurants en plus ou moins bon état qui, s’il ne s’agissait d’événements aussi dramatiques, rappellerait certaine série de livres-jeux où l’on doit repérer dans la foule un dadais rayé de rouge. Nulle couleur ici, et heureusement, car c’est d’une immense tache de sang que se teinterait la fin de cette apocalypse moderne qui devait définitivement sonner la fin des illusions anglaises en matière de victoire facile. Où est Charlie ? Dans la merde, mon général.

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