mercredi 19 juillet 2017

Geis


















Alexis Deacon Geis. - Gallimard, 2017-....

La Grande Matriarche Matarka se meurt… Qui donc lui succèdera ? Le concours est lancé, que le meilleur gagne. La fille du seigneur Cerf-Volant ne s’est pas inscrite. Quelle force l’oblige donc à concourir, quitte à perdre son âme ?
Autrefois plus infranchissable que le mur de Berlin par beau temps, la frontière qui sépare la bande dessinée de l’album prend décidément des airs de dentelle du Puy. A peine avait-on cru laisser Alexis Deacon batifolant dans le monde enchanté du livre pour enfants qu’on le surprend à brasser de sombres maléfices en plein art séquentiel. Faut-il au fond s’en étonner quand l’on sait avoir affaire à l’un des plus insaisissables parmi les illustrateurs jeunesse, lui qui n’hésite pas à faire de la Confiture de coléoptères (Kaléidoscope, 2004) et dont le style, quand il s’agit d’évoquer vos doudous (Pendant que tu dors - Kaléidoscope, 2006), rappelle plutôt Goya que Petit Ours Brun ? Ayant pour habitude de n’être pas là où on l’attend, Alexis Deacon n’a donc aucun mal à adopter les codes d’un média qui n’est pas a priori le sien pour rendre un peu de lustre à la BD britannique -qui en a bien besoin - et un peu d’air à une fantasy qui, à force de mijoter dans les culottes en lycra des filles de Soleil, commence à sentir un peu le fromage. Dans le genre, plus proche de Mervyn Peake que de Tolkien, on avait rarement vu quoi que ce soit d’aussi original depuis Le Mur de Pan de Philippe Mouchel (Delcourt, 1995-1998) ou bien La forêt de l’oubli de Nadja (Gallimard, 2006-2007). Comme eux, Alexis Deacon vient d’ailleurs et ne soucie guère des canons en vigueur : ses couleurs sourdes et son trait charbonneux n’ont rien de bien franco-belge mais savent donner à ce premier volume une atmosphère assez singulière pour que l’on soit fortement tenté d’en redemander. Ce que l’on fera, non sans trembler de peur que le botulisme, le réchauffement climatique ou la religion n’emporte l’auteur avant la fin.

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