jeudi 9 novembre 2017

La cantine de minuit


















La cantine de minuit, de Yarô Abe. - Le Lézard noir, 2017-.... 

Le gourmet solitaire ne l'est pas tant que ça. Les Japonais, que l'on croyait contraints par un sévère bushido à ne manger que des graines et du poisson cru, entretiennent, paraît-il, un rapport sentimental assez poussé avec la nourriture, dont la diversité est couramment associée à celle des émotions et des moments de la vie. Aussi le manga culinaire est-il un sous-genre assez prisé dans l'archipel : des magazines entiers lui sont consacrés, pour toutes les tranches d'âge et pour tous les goûts. Si la plupart nous échappent - et c'est peut-être heureux - quelques-unes de ces histoires parviennent parfois jusqu'à nous, comme cette accueillante Cantine de minuit de Yarô Abe, que publie aujourd'hui le toujours très avisé Lézard noir. La gargote ne paye pourtant pas de mine : perdue dans une ruelle de Shinjuku, le quartier des plaisirs de Tokyo, elle n'ouvre que de minuit à sept heures et n'offre qu'une carte très limitée, mais le patron, flegmatique et balafré, vous préparera n'importe quel plat à la demande, dans la mesure où il dispose des ingrédients nécessaires. Il saura surtout, avec beaucoup d'intuition et d'empathie, cuisiner la réponse la plus appropriée aux histoires de chacun, en hôte discret d'une chaleureuse petite communauté nocturne où fraternisent stripteaseuses et yakuzas sentimentaux, travestis et solitaires de toutes sortes autour d'une soupe ou d'un sandwich aux œufs. Rien de très zen dans tout cela et, naturellement, pas le moindre sushi (on n'est pas à Paris) : on n'en sera que plus tenté de revenir, en habitué, au fil d'une bonne vingtaine de volumes déjà parus au Japon, qui nous promettent autant d'heureuses digestions. Et l'on accordera volontiers toutes les étoiles de notre firmament personnel à cette série profondément attachante, quand bien même elles ne doivent rien à Michelin.

Pour aller plus loin...

Le gourmet solitaire, de Jirô Taniguchi et Masayuki Kusumi. - Casterman, 2005.

Les dérives gustatives et citadines d'un salary man amateur de bons petits restaus pas chers... A la fois intimiste et apéritif, LA référence dans le genre, du moins en France où le regretté Taniguchi, le plus occidental des dessinateurs japonais, bénéficie d'une notoriété qu'il est loin d'avoir dans son pays.


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