Les rêveries d’un gourmet solitaire /
Jirô Taniguchi et Masayuki Kusumi. – Casterman, 2016
Deuxième
service ! On en redemandait : le gourmet solitaire repasse les plats
pour une nouvelle série de promenades gustatives à travers les petites rues de
Tokyô, Tottori et autres lieux où ça sent bon sur les coups de midi. Car la
cuisine japonaise, on l’oublie trop souvent, ne se limite pas aux sushis et
s’avère d’une appétissante diversité, même servie par les gargotes à pas cher
qu’aime à fréquenter notre représentant de commerce entre deux clients. Oden en
soupe à Aoba-Yokochô, cuisine péruvienne à Shinanomachi, râmen au porc et riz à
Ôtemachi… chaque plat fait l’objet d’une véritable petite nouvelle où le
contexte et les circonstances des découvertes de Gorô (c’est son nom) comptent
au moins autant que la sauce qui les accompagne. Et c’est peut-être, au fond,
ce qui fait le principal intérêt de ces histoires et les rattache à la même
veine pensive et piétonne que L’homme qui
marche ou Quartier Lointain, qui, en France, firent de Jirô
Taniguchi la star qu’il est loin d’être au Japon (au point que, reconnaissance
du ventre oblige, les auteurs se fendent d’un discret hommage au plat préféré
des Français : le couscous, savouré en connaisseur par un Gorô de passage
à Paris.) Ce n’est donc pas sans raison que le titre français emprunte avec une
certaine malice à Rousseau : le gourmet solitaire ne travaille pas
seulement des mandibules, il fait aussi marcher sa tête et le cœur suit au fil
d’un monologue intérieur qui ne s’achève à chaque fois qu’à satiété complète.
De nourritures terrestres en aliments de l’esprit, le lecteur refermera
lui-même cet album sur un rot discret, une seule mais taraudante question le
laissant sur sa faim : mais comment diable fait donc cet enragé brifaud
pour garder la ligne ?
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