lundi 12 septembre 2016

Marie pleurait sur les pieds de Jésus




















Marie pleurait sur les pieds de Jésus / Chester Brown. – Cornélius, 2016.

Chester Brown aime les putes et ne s’en cache pas (Vingt-trois prostituées. – Cornélius, 2012). D’autant moins que, quoi qu’il en dise, son surmoi de chrétien anglo-saxon blanc n’a pas vraiment cessé de lui faire les gros yeux depuis une adolescence entièrement dédiée au culte poisseux de Hugh Hefner (Le Playboy. – Les 400 coups, 2001). Aussi, dans ce nouvel ouvrage, a-t-il voulu prendre le diable par les cornes en mariant une fois pour toutes ses deux grandes passions : l’exégèse biblique et le sexe tarifé, l’une devant justifier l’autre à la face des hommes et de l’Éternel. La Vierge ne le serait donc pas tant que ça et les allusions à la prostitution, présentes en filigrane dans bien des passages de l’Ancien comme du Nouveau Testament, témoigneraient d’un certain goût de ce bon vieux Yahvé pour la transgression de ses propres commandements ou, du moins, d’une assez belle tolérance pour des pratiques que la Bible ne condamnerait qu’au prix de contorsions pauliniennes assez tardives. Et notre nouvel Origène d’en apporter la preuve en rétablissant dans leur vérité certains récits et paraboles plus ou moins apocryphes, étayant ses versions dessinées de tout l’appareil de notes et de commentaires dont il est désormais coutumier. Quand bien même frise-t-on l’hérésie à chaque page, tout cela est très sérieux et jamais les comics n’ont si mal porté leur nom. Chester Brown n’est pas un rigolo, qui fut en son temps, avec ses compères Seth et Joe Matt, le sel de la terre de la nouvelle BD canadienne et si l’on songe bien sûr à Crumb et à son insurpassable Genèse, le bon apôtre n’est pas tout à fait indigne de lui laver les pieds. Mais quand bien même s’inclinera-t-on devant l’œuvre accomplie, quand bien même en reconnaîtra-t-on humblement l’implication et le sérieux, il reste assez difficile de se déprendre d’un sentiment qui paraîtra peut-être étrange à tout autre que l’un de ces Français mécréants façonnés par une bonne centaine d’années de laïcité militante et que, grossièrement, on résumera ainsi : on s’en fout, non ?



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