Marie
pleurait sur les pieds de Jésus / Chester Brown. – Cornélius, 2016.
Chester
Brown aime les putes et ne s’en cache pas (Vingt-trois
prostituées. – Cornélius, 2012). D’autant moins que, quoi qu’il en
dise, son surmoi de chrétien anglo-saxon blanc n’a pas vraiment cessé de lui
faire les gros yeux depuis une adolescence entièrement dédiée au culte poisseux
de Hugh Hefner (Le Playboy. –
Les 400 coups, 2001). Aussi, dans ce nouvel ouvrage, a-t-il voulu prendre le
diable par les cornes en mariant une fois pour toutes ses deux grandes
passions : l’exégèse biblique et le sexe tarifé, l’une devant justifier
l’autre à la face des hommes et de l’Éternel. La Vierge ne le serait donc
pas tant que ça et les allusions à la prostitution, présentes en filigrane dans
bien des passages de l’Ancien comme du Nouveau Testament, témoigneraient d’un
certain goût de ce bon vieux Yahvé pour la transgression de ses propres
commandements ou, du moins, d’une assez belle tolérance pour des pratiques que la Bible ne condamnerait qu’au
prix de contorsions pauliniennes assez tardives. Et notre nouvel Origène d’en
apporter la preuve en rétablissant dans leur vérité certains récits et
paraboles plus ou moins apocryphes, étayant ses versions dessinées de tout
l’appareil de notes et de commentaires dont il est désormais coutumier. Quand
bien même frise-t-on l’hérésie à chaque page, tout cela est très sérieux et
jamais les comics n’ont si mal porté
leur nom. Chester Brown n’est pas un rigolo, qui fut en son temps, avec ses
compères Seth et Joe Matt, le sel de la terre de la nouvelle BD canadienne et
si l’on songe bien sûr à Crumb et à son insurpassable Genèse, le bon apôtre n’est pas tout à fait indigne de lui
laver les pieds. Mais quand bien même s’inclinera-t-on devant l’œuvre
accomplie, quand bien même en reconnaîtra-t-on humblement l’implication et le
sérieux, il reste assez difficile de se déprendre d’un sentiment qui paraîtra
peut-être étrange à tout autre que l’un de ces Français mécréants façonnés par
une bonne centaine d’années de laïcité militante et que, grossièrement, on résumera
ainsi : on s’en fout, non ?
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