jeudi 2 octobre 2014

Macanudo



















Liniers Macanudo. - La Pastèque, 2008-.... 

L'art du strip, ce haïku de la bande dessinée, ne serait-il plus pratiqué qu'au bout du monde ? Liniers est Argentin. Serait-il Patagon que l'on n'en serait pas étonné, tant il se plaît à cultiver l'absurdité sur tous les degrés de l'échelle de Carroll. Publiées depuis 2002 dans les pages de La Nacion et peuplées de pingouins, de robots sentimentaux, de lutins et de tout un tas d'autres choses indéfinissables, ses "historiettes", comme il se plaît à les nommer, lui sont chaque jour l'occasion d'exercer son âme, comme d'autres exercent leur œil ou leur griffe. Aussi ne parlera-t-on pas, dans son cas, d'une "mécanique du gag", mais bien plutôt d'une forme de douce attente de ce qui n'était pas prévu. Car l'art de Liniers est essentiellement contemplatif, souvent fait de ces toutes petites choses, parfois si évidentes et familières qu'elles ont l'air d'avoir toujours été là, sous nos yeux qui ne savaient pas les voir. On les reconnaît alors et le monde, un instant tout illuminé, en paraît soudain plus vrai, peut-être même un peu plus beau. Bien sûr, il y a parfois des jours sans, des jours où rien ne vient. Liniers, alors, ne craint pas de l'avouer et, d'une pirouette légère, rebondit vers le gag du lendemain. Ainsi, par le jeu d'une complicité toujours renouvelée avec le lecteur, Macanudo prend-il l'allure d'une sorte de journal dialogué où seraient quotidiennement consignés aphorismes, humeurs, pensées et anecdotes, incarnés et joués par une foule de personnages qui sont autant de voix pour un auteur unique. Un auteur, un dessinateur qui, pour avoir su s'affranchir de filiations évidentes (on pense à Gary Larson, à Bill Watterson, à Quino...), tient désormais son rang parmi les très rares que l'on voudrait remercier d'exister.

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