Nadja Le cœur sanglant de la réalité. – L’apocalypse, 2012.
Serait-il temps de parler d’autofiction en bande
dessinée ? Jusqu’ici on n’y célébrait guère que l’autobiographie, comme
une tentative plus ou moins naïve mais presque toujours sincère de mettre en
récit son quotidien, aussi trivial soit-il. Un Jean-Christophe Menu, une
Marjane Satrapi ou, mieux encore, un Laurent Lolmède, ne faisaient guère que
raconter leur vie, bien ou mal mais tel qu’ils pensaient devoir le faire.
D’autres, tels David B ou Fabrice Neaud, s’ils prenaient davantage de recul et
plaçaient leur histoire dans une perspective plus réfléchie, n’en avaient pas
moins quelque chose à dire. Il semble que cette époque bénie soit bel et bien terminée.
Affublée des atours tendances du « roman graphique », la bande
dessinée renie ses origines et semble bien décidée à venir patauger à son tour au
fond du nombril où bavarde déjà depuis longtemps une bonne partie de la
littérature française contemporaine. Impuissance créative, velleités et atermoiements,
petit séjour en Bretagne, bars à vin, soirées télé et petits potins, Nadja ne
nous épargne rien du bréviaire bobo de l’extrême vacuité contemporaine et peine
à nous convaincre qu’il soit nécessaire d’en faire un livre de plus. Quand elle
transposait Henry James (Le menteur –
Denoël, 2004) ou cherchait encore à raconter une histoire (L’homme de mes rêves – Cornélius, 2010), elle ne nous laissait pas
oublier qu’elle reste l’une des grandes créatrices de l’album pour enfants,
capable de belles envolées bachelardiennes et douée d’un humour ravageur. Qu’elle
y reprenne ses personnages en forme d’ours ne suffit malheureusement pas à
faire autre chose de ce triste blabla qu’un coup d’épée dans l’eau tiède et de
ce cœur une éponge synthétique dont on ne tirera jamais qu’un vague jus de
navet.
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