lundi 8 septembre 2014

Snoopy et les Peanuts

















Charles M. Schulz Snoopy & les Peanuts : intégrale. – Dargaud.

Charles Monroe Schulz (1922-2000) fut en son temps le salarié le mieux payé des Etats-Unis, peut-être du monde. Qui n’a jamais possédé une serviette Snoopy, un papier à lettres Snoopy, une gomme Snoopy, un mug Snoopy, une assiette Snoopy, un verre à dents Snoopy, un ticheurte Snoopy, un cahier Snoopy, une figurine Snoopy, un porte-clé Snoopy, une carte postale Snoopy, un cartable Snoopy, une planche à repasser Snoopy, une tapette à mouches Snoopy, un fusil d’assaut Snoopy, voire même un snoopy Snoopy ? La saga des Peanuts est décidément un bel exemple de success story à l’américaine. Mais une fortune bâtie sur un merchandising aussi effréné comporte ses revers : à force d’exploitation, la série et ses personnages se voient vidés de leur âme, banalisés, mis en bouillie, privés de sens, toute originalité passée au laminoir du commerce à tout crin, toute intelligence réduite au plus petit dénominateur commun de la force de vente qui fait le publicitaire plus riche et le client content. Et c’est dommage. Car à ne considérer Snoopy (et les Peanuts) qu’à l’aune de ce mercantilisme, on se priverait de l’une des plus fines, des plus tendres et des plus drôles des séries qu’ait jamais engendré la bande dessinée. Pendant 50 ans, Charles M. Schulz l’aura réalisée seul, jour après jour, sans jamais manquer ni en trahir l’esprit, refusant là au moins tout compromis et, surtout, toute compromission. Snoopy, Charlie Brown, Lucy, Linus, Schroeder… chaque protagoniste de ce petit monde sans adultes nous enseigne quelque chose sur nous-même, reflète avec sensibilité la plus ténue de nos humeurs, la plus subtile de nos failles. Au fil des années, de thèmes infiniment repris, réitérés en multiples variantes, les Peanuts ont fini par former un microcosme, un monde à part, reflet du nôtre et théâtre quotidien de nos angoisses et de nos vanités mais aussi de tous nos petits bonheurs.
Entamée après la mort de l’auteur et projetée sur une douzaine d’année, une édition intégrale leur rend pour la première fois justice, en proposant les strips dans leur ordre chronologique, dans leur noir et blanc d’origine et sous une très belle présentation signée par le dessinateur canadien Seth. L’édition française suivant d’un peu loin l’édition américaine (publiée chez Fantagraphic books), profitez-en pour rattraper votre retard et vous plonger dès aujourd’hui dans la redécouverte émerveillée d’un continent de papier que vous croyiez pourtant bien connaître.

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