Vivès, Ruppert et Mulot La grande odalisque. - Dupuis, 2012.
Paris, Musée d'Orsay. A la faveur d'une opération spectaculaire, Alex et Carole, professionnelles du fric-frac, s'emparent du Déjeuner sur l'herbe de Manet. L'affaire aurait pourtant pu mal tourner quand, en plein cœur de l'action, Alex ne trouve rien de mieux que de rompre au téléphone avec son amoureux. Le ton est donné : fantasque.
Fallait-il attendre autre chose de la rencontre de l'une des étoiles montantes de la jeune génération et de deux des principaux trublions de la bande dessinée française ? Jamais la collection Aire libre n'a aussi bien porté son nom que pour cette histoire improbable dont l'argument s'efface en permanence devant la totale liberté des deux (puis trois) protagonistes. Si, d'un côté, le scénario présente toutes les garanties d'un récit bien balisé, pris dans un sous-genre qui a donné quelques chefs d’œuvre (on pense par exemple à Quand la ville dort ou Ocean's eleven), de l'autre, il s'en échappe radicalement par l'incapacité des héroïnes à totalement s'impliquer dans leur plan de carrière. La vraie vie est ailleurs, peut-être dans ce creux qui se dessine en chacune d'elle : l'une est seule depuis des années, l'autre enchaîne les aventures sans lendemain, la troisième est veuve. Combattre ainsi le manque par l'action autorise les bifurcations les plus capricieuses. Ainsi les héroïnes éliminent-elles en se jouant et presque sans raisons un baron de la drogue avant de monter leur gros coup : l'enlèvement de La grande odalisque d'Ingres, dans un Louvre hyper-protégé. Tentative presque impossible, évidemment, et dont le dénouement tourne au tragique en quelques pages sans que l'on s'en étonne vraiment, tant ces jeunes femmes, en s'attaquant à trop gros pour elles, semblent réitérer le projet du peintre qui, en rajoutant trois vertèbres à son modèle, prétendait sacrifier la vraisemblance à la beauté.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Quelque chose à ajouter ?