mardi 9 septembre 2014

Petite histoire des colonies françaises



























Grégory Jarry & Otto T. Petite histoire des colonies françaises. – Flblb, 2006-2012. – 5 volumes.
Grégory Jarry et Otto T. Village toxique. – Flblb, 2010.

La France est un grand pays, dont l’élection divine ne fait aucun doute au regard de l’Histoire. Mère des Arts et Patrie des Droits de l’Homme, il lui appartenait évidemment de porter les lumières de la Civilisation jusqu’aux plus sombres recoins de continents déshérités, dont les indigènes, infiniment reconnaissants, s’empressèrent de faire don de tous leurs biens à la République, qui fut bien obligée d’accepter pour ne pas les vexer.
A l’heure où l’on ose reparler du « rôle positif » de la colonisation et où le « refus de la repentance » fait figure de courage politique, il est toujours bon de redire ce que fut véritablement la politique coloniale de la France : une longue suite de tueries, d’exactions, de spoliations et de magouilles en tous genres, vaguement saupoudrée d’alibis humanistes.
Grégory Jarry et Otto T. le rappellent avec humour et c’est encore meilleur. Membres fondateurs des éditions Flblb, à Poitiers, ils imposent leur marque à cette Petite histoire en bande dessinée, toute d’ironie féroce et de précision documentaire. Pour la raconter, ils ne convoquent rien moins que le Général De Gaulle, baderne ventrue dont la bonne conscience hypertrophiée ne recule devant aucun massacre et qui ne s’effacera qu’au 4e tome, pour permettre à Mitterrand d’exposer lui-même les bonnes blagues de la Françafrique et du génocide rwandais.
Maintenir un tel ton n’était pas gagné d’avance, tant on découvre une réalité qui dépasse en indignité tout ce qu’on peut imaginer. Certes, la France ne fut pas la seule à se tailler un empire à coup de mitrailleuse et de gaz moutarde, mais nos politiques – de gauche comme de droite - ont toujours eu un talent particulier pour le déni. Si les travaux d’historiens ne manquent évidemment pas, on ne saurait être assez reconnaissant à nos duettistes de se livrer ici à un véritable travail de vulgarisation, au sens le plus noble du terme. Toute en finesse et jamais lourde, souvent tout simplement hilarante, leur démonstration n’en laissse pas moins dans la bouche un léger goût de dégueulis, le même – c’est curieux, que l’on éprouva naguère en entendant un ci-devant ministre des affaires étrangères proposer d’apporter le savoir-faire répressifde la France en aide à certaine dictature en difficulté. Ce qui n’était somme toute, on s’en convaincra à la lecture de la série, qu’une façon assez normale d’avoir de la suite dans les idées.
Avec Village toxique, le duo réédite cette excellente recette dans un contexte plus local. En 1987, l’Etat, via Areva projette d’ensevelir des déchets nucléaires dans le sous-sol de la Gâtine, dans les Deux-Sèvres. Il doit aussitôt faire face à une levée de bouclier de la part de la quasi-totalité de la population, unie pour une fois autour d’un seul mot d’ordre : « Ni ici, ni ailleurs ». Au-delà du récit d’une lutte exemplaire et victorieuse, c’est surtout d’une formidable leçon de démocratie directe qu’il s’agit. Que l’on parvienne à se fédérer autour d’un but commun, l’on s’aperçoit bien vite qu’il n’est peut-être pas si nécessaire de déléguer son autorité que nos « représentants » se plaisent à le seriner tous les quatre ou cinq ans.

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